Huîtres: dangers et solutions d’avenir !
A l’approche des fêtes de fin d’années et des orgies gastronomiques qu’elles créent dans l’imaginaire collectif, cet article va se concentrer sur un des produits les plus consommés entre Noël et le jour de l’An. Nous ne parlerons pas du saumon d’élevage made in Norvège, comme en 2018 (revoir l’article ici). Nous nous concentrerons sur les coquillages, et plus précisément sur l’huître. Pochée, cuite, crûe, accompagnée de vin blanc pour les uns, de citron ou de sauce vinaigre échalote pour les autres, c’est elle la star des fêtes de fin d’année…. Et de toute l’année d’ailleurs si vous vivez du côté d’Urbino, d’Arcachon, de Pirou sans oublier Cancale. Cette dernière qui vise l’inscription de sa production au patrimoine mondiale de l’Unesco, soit dit en passant.
Les ostréiculteurs peuvent se détendre. Nous ne parlerons pas (encore) des conditions détériorées des eaux naturelles, par l’augmentation non maitrisée des polluants non visibles. Bon, si on va en parler juste un peu. Parce que si on veut vous parler de cette espèce ultra prisée par les français, nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas traiter cet angle. Il ne s’agit pas de dégouter ou décourager la consommation de produits marins. Mais plutôt de consommer en âme et conscience et surtout de réaliser les conséquences de notre désengagement national quant à la pollution des eaux. Cette créature, l’huître, génère toute une économie traditionnelle, depuis le coup de cœur de François 1er en son temps, qui fait vivre des milliers de personnes. Au rythme avec lequel les polluants continuent de s’accumuler dans les mers qui bordent notre littoral, avec en plus le facteur réchauffement des eaux qui stimulent le développement de virus et de bactéries nocives, c’est tout un pan de l’économie aquacole qui est menacé. Donc des emplois ! Rappelons-nous que le taux de perte en temps normal pour un ostréiculteur peut dépasser les 50%, sans qu’aucune surmortalité ou tempête ne viennent faire exploser ces pertes. La filière pourrait être soumise à une disparition progressive si l’ensemble des acteurs économiques et institutionnelles ne bougent pas pour préserver la qualité des eaux avec les polluants made in l’homo sapiens chimicus.
Cette pollution en tout genre se retrouve dans toutes les strates de la chaine alimentaire, jusqu’au top prédateur, comme le dauphin qui emmagasine des produits dignes d’une raffinerie (retrouver la liste ici). Y compris les huitres. La mauvaise foi de certains, pardon, la dissonance cognitive de certains répondra que ces polluants se stockent dans la graisse des dauphins et des prédateurs et que les crustacés et coquillages n’ont pas de graisses… le Perceval imaginaire qui squat notre sens critique peut murmurer à votre oreille, « c’est pas faux », en suivant cette logique.
Et bien si ! C’est l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (IFREMER) qui le dit ! Et mieux que cela ce sont ses chercheurs qui contrôlent et vérifient les seuils de sécurité à ne pas dépasser dans les différentes exploitations. Notamment pour prévenir les cas d’intoxication alimentaire. Norovirus, Escherichia coli (E.Coli), bactérie mangeuse de chair, micro algues toxiques et autres organismes indésirables se multiplient partout et entrainent parfois l’interdiction de la consommation de coquillages et d’huîtres.
Pareillement, cet institut mène un travail appuyé et recense les différents contaminants chimiques sans faire de zèle. Un inventaire à la Prévert que vous pouvez retrouver sur une carte animée, en toute transparence, sur le site de l’IFREMER : argent, cadmium, chrome, cuivre, mercure, nickel, plomb, vanadium, zinc, DDT, Lindane, PCB et HAP ! La présence de mercure pourrait être relativisée, étant présent en permanence dans les océans, dont une partie significative est dégagée par la croute terrestre qui tapisse les fonds marins. Ce qui doit nous faire réfléchir sur l’association d’idée du genre « un produit naturel est bon pour la santé ». Que ce soit en vaccin ou dans les huîtres, le mercure a des conséquences très lourdes pour notre corps. Quant aux autres substances chimiques… Jugez par vous-même !
Puis il y a le plastic. L’IFREMER le confirme. En micro et nanoparticule certes. Le chercheur de cet institut, Arnaud Huvert, avait indiqué dans une interview donnée à Ouest France en 2018 : « Il faut bien avoir conscience que nous inhalons et ingérons du plastique en permanence : par l’air, l’eau, l’alimentation ». Dans le cadre de sa thèse, Laura Frère a d’ailleurs dénombré huit particules de microplastique pour cent grammes d’huîtres. De quoi évidemment relativiser pour les uns ou s’exaspérer pour les autres. Car en principe c’est une espèce qui est bonne pour la santé !
Un allié pour la santé ?
Par le passé considéré comme impure chez les égyptiens et les hébreux, même sans contamination chimique, l’huître fait partie des aliments valorisés comme hautement bénéfiques pour les besoins physiologiques chez les hommes et chez les femmes. Avec seulement 100 calories pour 11 grammes de protéines dans « une douzaine », ce produit de la nature contient un cocktail de bienfaits parmi lesquels : des oméga 3 pour réduire le taux de mauvais cholestérol et lutter contre les maladies cardiovasculaires ; du phosphore et du calcium pour booster son énergie et contribuer en renforçant les dents et les os, participe à la croissance; du fer qui permet de transporter l’oxygène dans le sang et à la formation des globules rouges ; du cuivre permettant la formation de l’hémoglobine et du collagène pour la régénération des tissus ; et du zinc pour stimuler les défenses immunitaires, la fabrication de matériel génétique, et l’interaction avec les hormones sexuelles et thyroïdiennes. Un cocktail qui est complété en Vitamines A (croissance), Vitamines B3 (convertir en énergie les lipides et glucides), Vitamines B5 (synthèses des hormones stéroïdiennes), Vitamines B12 (cellule nerveuse), Vitamines D (maturation cellules du système immunitaire), Manganèse (anti radicaux libres) et évidemment en iode qui entre dans la composition des hormones de la thyroïde dans la régulation de la croissance et du développement du métabolisme.
Le secret de la lutte anti cancers !
Un super aliment qui permet aussi, quand on l’étudie, d’y voir une solution d’avenir pour lutter contre les cancers. Charlotte Corporeau, chercheuse à l’Ifremer, nous indique que « L’huître, par les protéines qu’elle utilise, présente des similitudes avec les cellules humaines et peut constituer un nouveau « modèle » pour les chercheurs en cancérologie, offrant ainsi des voies inédites de compréhension de certaines réactions métaboliques ». En ce sens les huîtres peuvent permettre de comprendre et contrecarrer l’effet Warburg : le développement anarchique des cellules cancéreuses et leur propagation dans les différents tissus de l’organisme. Car ces animaux savent stopper cet effet. Dans certaines conditions. Le tout étant de comprendre quelles sont les conditions de température qui permettent d’activer ou non le blocage ou l’activation de cet effet.
Un indicateur vivant de la santé de l’état de nos mers !
Les huîtres se révèlent aussi être hi-tech et low-tech à la fois ! En étudiant cette espèce, le professeur Jean Charles Massabuau, directeur de recherche au CNRS, a constaté que les huitres modifient leur comportement en fonction de la qualité des eaux. Celle-ci impacte leur état physiologique. Un comportement normal induisant une qualité des eaux dite bonne, c’est au contraire une hyperactivité des valves (rythme d’ouverture et de fermeture), vis-à-vis des données de référence, qui indiquera un taux de concentration de polluants dans un secteur. L’absence de fermeture (aux heures de marées), un rythme de ponte altéré ou un arrêt brut de croissance sont des marqueurs enregistrés en temps réels par des micro capteurs, repartis partout dans monde (notamment sur les installations pétrolières), qui sont analysés comme indications d’une réaction à une forte pollution. Le professeur s’explique : « elles vont réagir à tout changement de la qualité de l’eau […] et sont beaucoup plus sensibles que les appareils de détection de chimie. Plus la concentration (de polluants) augmentent plus les animaux restent fermés longtemps ».
Résistante aux eaux très froides ou très chaude, l’huître offre une solution optimale, précise et en temps réel à moindre coût !
L’ironie de cette situation de contamination réside dans le fait que l’huître, comme tous les coquillages, sont une partie de la solution pour lutter contre la pollution marine tout en brisant toute concurrence technologique et économique. L’illustration parfaite de cet enjeu prend des dimensions gigantesques outre atlantique, dans l’ancienne capitale mondiale de l’ostréiculture : New York !
Solution antipollution !
Car une huître est reconnue comme ultra efficace en matière de purification de l’eau. Naturellement elle peut filtrer jusqu’à 190 litres d’eau par jour, captant par la même occasion l’azote qui s’y trouve. Partant de ce principe, Murray Fisher a créé le projet délirant, mais pas autant que cela, de restaurer la biodiversité marine dans le port de la grosse pomme. La première étape s’appelle « Billion Oyster Project » (Traduisez, le projet aux 1 milliard d’huîtres). Un clin d’œil du passé ostréicole de New York qui fut jusqu’au 19e siècle le centre mondial de production d’huîtres : plus de la moitié de la population ostréicole mondiale y était abrité, et plus d’un million d’huîtres y été dégustées chaque jour. Une activité économique qui connaitra la sentence d’une hyper pollution, rendant ces produits aquacoles impropre à la consommation. Entrainant la disparition du tissu économique associé. Il s’agit aujourd’hui d’une renaissance de cette espèce, non pas pour la consommation, mais bien pour l’environnement et l’intérêt général. Les huitres sont de formidables alliées, à conditions que l’on cesse de les sous employer.
Coquille jetée…. Coquille gaspillée… Coquille Recyclée !
Utilisé en bulletin de vote dans l’Antiquité Romaine, en Grèce on inscrivait les noms des personnes indésirables sur les coquilles (d’où provient le terme ostracisme). Les déchets de coquilles ont traversés les siècles et nous multiplions leur usage. Les coquilles aujourd’hui ont un potentiel encore sous-estimé. Certes elles offrent une structure directe aux larves d’huitres en quête de support de fixation. Mais quels sont les axes de reconditionnement/recyclage existants pour faire des monceaux de coquilles vides (130 000 tonnes produites en France tous les ans) une filière économiquement prometteuse. Exit les décharges à ciel ouvert desquelles émanent une odeur nauséabonde.
Dès lors qu’on les entrepose pour ôter les résidus organiques, les coquilles deviennent des matières premières valorisables pour l’homme et pour l’environnement. Les fermiers et vignerons l’utilisent pour améliorer la fertilité des sols grâce à son apport en acidité pour le sol tout en apportant un complément en minéraux pour les élevages de poules et de vaches laitières.
Le plus grand espoir porte cependant sur la transformation des coquilles en poudre de calcaire, pour notamment remplacer le calcaire de carrière, comme matière première pour la thermoplastique ! Un des premiers emplois dans cette approche a été de produire l’enduit de la peinture réfléchissante pour le marquage des bandes blanches sur les routes. Réduisant à 90% l’utilisation de produits chimiques. Une idée en entrainant une autre, c’est le fabricant Oxylane, qui a profiter de cette même propriété pour développer une chaussure sans produit pétrochimique. La Steppe 100 pour les plus curieux. Des avantages de coûts pour les fabricants qui offrent une chaussure avec une semelle fine, souple et résistante.
Aujourd’hui les applications du calcaire issu des huîtres et des coquillages permettent même de remplacer progressivement le néoprène des combinaisons étanches pour les activités nautiques et subaquatiques. Au point même que la marque Henderson est la première à ce jour à proposer des combinaisons 100% sans matières issues du pétrole. Elle utilise du calcaire d’huître, de la canne à sucre et du caoutchouc végétal. Une composition qui se révèle selon les tests bien plus performante que le néoprène traditionnel : plus légère, plus résistante et plus isolante y compris à des niveaux de profondeur plus poussés. Et cerise sur le gâteau…. Cette combinaison est 100% recyclable !
En France c’est la marque Friendly French qui a souhaité proposer une offre alternative de lunette de soleil sans produit dérivé du pétrole. Évidemment en utilisant des coquilles d’huîtres mais aussi de moules et de coquille saint jacques !
Devant ces avancées il ne serait pas incohérent d’imaginer le remplacement des poches et élastiques ostréicoles, composés principalement de produits dérivés du pétrole, dont la décomposition prendrait plusieurs siècles en cas de perte dans la nature, par des produits issus de matières organiques recyclées et non polluante.
De quoi inspirer bon nombre d’entreprises qui peuvent plus que jamais basculer leur confection d’objets dans d’autres matériaux issus du pétrole. A condition toutefois de recycler des matériaux qui sont inutilisés pour rompre les traditionnels schémas de production linéaire. Les solutions pour s’inscrire dans une vision de production circulaire, telle que la blue economy le suggère, sont désormais à portée de tous. La nature ne produit aucun déchet à travers ses différentes chaines de prédations. Nous avons les moyens de nous en inspirer.
L’ostréiculture est un vivier d’emplois, de saveurs et des promesses pour l’avenir. Alors si vous ne consommerez plus les huîtres comme avant après avoir lu cet article, gardez en tête l’apport des océans dans votre alimentation quotidienne, et l’importance de les préserver. Et si quelquefois vous vous questionnez sur comment participer à cela, pensez qu’Ambassade des Océans agit dans ce sens.
Bonnes fêtes de fin d’années de la part de toute l’équipe d’Ambassade des Océans !