La révolution du Homard !
Pour les daltoniens il est naturellement rouge mais deviendrait vert une fois cuit, selon Pierre Dac. Pour les autres, il rougit en mode jacuzzi extrême dans la marmite. Jadis un met réservé aux classes abandonnées par la société…Vous l’aurez compris, après le saumon et les huîtres, cette année, nous vous proposons de partir à la découverte du homard. Riche en minéraux et peu calorique, vos papilles le connaissent peut-être déjà !
LE HOMARD, UN ERMITE
Le homard fait partie de la famille des crustacés dont l’origine remonte à plus de 700 millions d’années. Les premiers représentants du groupe des décapodes (qui regroupe les crustacés d’au moins 10 pattes), dont le homard, sont apparus il y a environ 400 millions d’années. On a découvert dans les roches du crétacé, des fossiles d’une petite espèce de homard appelé l’Hoploparia, à la morphologie comparable à celle de nos espèces actuelles, âgés d’environ 135 millions d’années. Ces animaux rampaient sur les fonds boueux. Leur corps, mesurait de 1 à 67 cm, était divisé en 3 lobes et aussi recouvert d’une carapace.
Le homard est un animal nocturne sédentaire, qui vit dans des crevasses rocheuses. Il se constitue un terrier formé souvent de plusieurs galeries, avec plusieurs entrées et sorties. La nuit, généralement, il creuse et aménage son terrier avec ses pinces et ses appendices thoraciques. Il utilise également son éventail caudal comme une pelle mécanique. Son terrier est précieux car il a besoin d’un abri pour se protéger des prédateurs lors de ses nombreuses périodes de mues.
Car pour grandir, les homards doivent donc muer tout au long de leur vie, à un rythme décroissant année après année. En tout, on compte environ une dizaine de mue lors de la première année d’existence, puis 3 ou 4 fois pendant la deuxième, 2 fois dans la quatrième… Ensuite les homards muent environ une fois par an. Souvent cela se déroule au début de l’été : le homard se cache au fond de son terrier et cesse de s’alimenter afin de perdre du poids. Puis, il se couche sur le flanc et se replie en forme de V. La membrane reliant le céphalothorax (tête) à l’abdomen se casse créant une ouverture par laquelle le homard s’extirpe de sa carapace. Ainsi libéré, il se gonfle d’eau et va pouvoir acquérir une taille supérieure. Il n’est pas rare de les voir manger leur carapace.
ADN DE JOUVENCE
Le homard est un des rares animaux à ne pas vieillir : en effet, il produit une enzyme appelée télomérase, qui lui donne la capacité de restaurer les parties perdues aux extrémités des chromosomes et ainsi stopper leur vieillissement. Cependant, comme que le homard mue tout au long de sa vie et que sa carapace devient de plus en plus dure, il arrive un moment où le homard n’a plus la force de s’extirper et devra donc rester dans une carapace trop petite risquant de développer des maladies qui lui seront fatales. La femelle mue au même rythme que le mâle jusqu’à ce qu’elle atteigne sa maturité sexuelle ; elle mesure alors environ 28 cm.
La période de reproduction survient pendant les jours qui suivent la mue de la femelle. Elle émet dans l’eau des phéromones sexuelles qui inhibent l’agressivité et induisent un comportement de séduction chez le mâle. Avant l’accouplement, les deux partenaires se font face : ils font connaissance en se touchant du bout des antennes. Puis, la femelle fait volte-face et présente son abdomen replié au mâle. Celui-ci la retourne alors sur le dos et utilise des appendices abdominaux pour déposer sa semence, sous la forme d’un petit sac, dans le réceptacle de la femelle. La fertilisation des œufs se fait lors de la ponte, qui survient de quelques semaines à quelques mois après l’accouplement. Durant cette période, la femelle reste sur le dos, et dispose les œufs, au fur et à mesure de leur expulsion, sur son abdomen. Ils y resteront solidement attachés par des filaments pendant environ 8 mois, durant lesquels la femelle ne mue plus. Elle prendra grand soin de ses œufs, les oxygénant par des battements réguliers de ses pléopodes (les petites pattes de son abdomen). Le nombre d’œufs pondus varie selon sa taille : entre 12 000 et 40 000. L’éclosion des œufs a lieu à partir du printemps et pendant l’été. Chaque nuit, pendant 2 à 6 semaines, les femelles libèrent les larves dans le milieu marin. Puis, pendant un mois, les larves nagent en pleine eau et muent quatre fois. Lors de la dernière mue, elles adoptent la forme et le comportement de petits homards et s’établissent sur le fond.
Hors période de reproduction, c’est un animal solitaire qui peut même avoir un comportement agressif. C’est un prédateur carnivore dont l’alimentation est principalement composée d’invertébrés vivant dans le fond de la mer, comme les crabes, les moules, les bigorneaux, les vers, les oursins, les étoiles de mer et des petits poissons. Dans les eaux du Maine, aux Etats Unis, les chercheurs ont même observé des comportements répétés de cannibalisme ! Pour équilibrer son alimentation, il puise également dans les algues. Il détecte ses proies grâce à ses différents organes sensoriels. Ses yeux, bien que ne percevant sans doute pas distinctement les images, repèrent très facilement les mouvements.
On ignore si le homard peut distinguer les couleurs. De nombreux poils tactiles situés sur ses antennes, ses pinces et ses pattes locomotrices aident le homard à disposer de renseignements sur son environnement physique immédiat ; il est également sensible aux courants d’eau. Sa chimioréception est aussi très développée. Le homard capture ses proies à l’aide de ses pinces, très habiles et puissantes. Chaque pince est spécialisée dans un type de fonction. Le homard ne possède pas de dent dans sa bouche et ne peut donc pas mastiquer ses aliments. C’est son estomac qui joue ce rôle. Le homard est généralement vert car il possède deux protéines : la crustacyanine qui lui donne parfois sa couleur bleue et la astaxanthine, pigment orange présent aussi chez certains saumons par exemple. A la cuisson, la protéine bleue disparait, libérant l’astaxanthine qui lui donne sa couleur orange.
LES PRÉDATEURS DES HOMARDS
Plusieurs prédateurs aime se délecter des homards : pendant la partie larvaire, ils sont la proie de poissons, d’anémones et autres crustacés. Les juvéniles sont attaqués par de plus gros poissons, ainsi que par des seiches, des pieuvres et des crabes. Adulte, il n’a que très peu de prédateurs : le congre qui s’attaque à lui lors de épisodes de mues et qui squatte souvent les terriers des homards. Pour se défendre, le homard dispose de plusieurs outils : ses pinces d’abord, sa rapidité mais surtout sa capacité d’autotomie. Oui, comme les lézards ou les abeilles, ils sont capables d’auto-amputation. L’appendice coupé repousse au cours des mues jusqu’à retrouver sa taille normale. Le principal prédateur du homard adulte reste, une fois n’es pas coutume, l’Homme…et son casier ! Dans les années 1980, les captures ont bondi de 33%. Les principaux pays pêcheurs sont les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie. La France ne se trouve qu’en 10ème position.
C’est d’ailleurs suite à la baisse des populations en France dans les années 1960, il a été tenté plusieurs initiatives afin de repeupler les zones de pêches : écloseries (élevage de larves), cantonnement (interdiction de pêche), limites (de période de pêche, de nombre de casiers). Des élevages d’homards ont aussi été tentés notamment aux Etats-Unis et au Canada. Cependant, de nombreuses difficultés s’opposent à la rentabilité de ces élevages : croissance du homard lente (environ 5 ans pour atteindre une taille marchande), besoins nutritionnels complexes (en fonction de l’âge, de la périodes de mue), maladies et cannibalisme.
L’approfondissement des connaissances éthologiques pour chaque espèce conduit les sociétés à reconsidérer les traditions et pratiques mais aussi nos devoirs face à des êtres vivants, que l’Humanité exploite avec une férocité presque cruelle parfois. Mais une l’annonce toute récente provenant d’outre-manche, pourrait bien y mettre un terme : les homards, ainsi que les crabes et les pieuvres seront bientôt protégés par le « Animal Welfare Bill », leur reconnaissant « d’être sensible », en ce sens qu’ils ont la capacité de ressentir des émotions telles que la douleur, le plaisir, la colère, la soif, la chaleur, la joie, le confort et l’excitation. Une décision motivée par un rapport, synthèse plus de 300 études scientifiques, qui recommande notamment : l’interdiction de l’arrachage des pinces de crabes, l’interdiction de vendre des crabes et des homards vivant à des personnes non qualifiées à leur manipulation, et l’interdiction d’ébouillanté et de démembrer l’animal vivant et conscient lorsque des techniques d’étourdissement ou d’abattage sont reconnues comme étant déjà efficaces. Ce qui est déjà le cas en Norvège, en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Suisse. De là à ce qu’une approche similaire soit étudiée en France, rien n’est moins sûre. Mais dans 10 ans !
Qu’en est-il selon vous : pour ou contre ce genre de réglementation ?
En attendant de vous lire, de vous croiser et d’échanger avec vous, sachez que 2021 n’a pu nous permettre de réaliser toutes nos idées, comme pour beaucoup d’entre vous. Donnons-nous rendez-vous en 2022 avec l’énergie des passionnés et la sagesse des pragmatiques.
Bonnes fêtes de fin d’années de la part de toute l’équipe d’Ambassade des Océans !
Sources :