Les Grandes Figures des Océans en France
Non, nous ne vous avions pas oublié. Non, nous n’avons pas arrêté de produire nos articles. Mais le contexte compliqué par le covid nous a légèrement bousculé. Non beaucoup en fait. Aussi nous revenons à notre base. Vous informer en prenant plaisir à le faire. Pas en fonction de l’actualité. En fonction des thèmes qui nous animent le plus. Et en ce sens, il est essentiel de rétablir une étape indispensable : vous présenter ceux qui sont actuellement les porteurs de la cause des océans et ceux qui le seront dans les décennies à venir, partant de ce qui est observable depuis notre mirador.
Navré pour toutes celles et ceux qui souhaiterait être reconnus parmi les leaders « bleus » d’aujourd’hui. Evidemment en France on penserait aisément à des noms illustres comme Claire Nouvian, qui a fondé l’association Bloom ; Christian Buchet, le spécialiste géo politologue de la mer en France ; Jacques Rougerie, architecte merrien d’avant-garde ; Bernard Cauvin Président fondateur de la Cité de la Mer à Cherbourg ; Jean Louis Etienne, explorateur du grand froid ; Jacques Perrin, réalisateur amoureux des océans ou encore Isabelle Autissier navigatrice, présidente d’honneur de WWF France.
Ici, nous nous concentrerons sur les personnalités du monde associatif qui font de la protection des océans une passion et une vie. Dans le top cinq, commençons avec courtoisie, par la seule dame de cette énumération. Et excusez l’expression, celle qui donne le « la » !
Catherine Chabaud. Originaire de Bron, dans la banlieue lyonnaise, cette femme est un merrienne qui s’est rapidement mise en mouvement pour retrouver son élément naturel. C’est la première à avoir réalisé un tour du monde en solidaire sans escale. Vendée Globe, Solitaire du Figaro, Traversée de l’Atlantique, Tour de France à la voile, Tour d’Europe à la voile, Mini Fastnet, Fastnet, elle a été pionnière pour ouvrir les disciplines de la navigation sportive à la gent féminine. Journaliste de formation, elle est ensuite devenue rédactrice en chef de l’iconique magazine Thalassa sur France 3, avant de s’essayer à la radio avec Europe 1. Elle deviendra la cofondatrice de l’association Innovations Bleues qui promeut le développement durable pour toutes les activités maritimes. Un exercice qui sera un tremplin pour une prise de parole exponentielle au point de devenir la personnalité maritime incontournable sur toutes les questions liées à la conservation, ainsi qu’à sa promotion. Un emploi du temps chargé entre ses missions au conseil d’administration musée national de la marine, de la Fédération Française de Voile, de la Société de Sauvetage en Mer (SNSM) et de l’Agence des aires Marines Protégées. Pour ponctuer cela, elle est également réserviste citoyenne de la Marine Nationale. Mais son fait d’arme le plus marquant reste et restera la création de la plateforme Océan et Climat en 2014 pour valoriser l’océan comme « bien commun de l’humanité », qu’elle portera avec panache durant la COP21 à Paris en 2015.
Parallèlement elle s’engage dans la sphère politique en tant que membre du Conseil économique, social et environnemental de 2010 à 2015 avant d’être nommée Déléguée à la Mer et au littoral au sein du Ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la Mer entre 2016 et 2017. Depuis 2019, elle est député européenne pour porter la voix de l’océan au parlement européen. Elle a reçu presque toutes les distinctions possibles : Chevalière de l’ordre national du Mérite en 2006, Chevalière de l’ordre national du Mérite Maritime en 2009 et Chevalière de la Légion d’honneur en 2014. Autrement dit, c’est le palmarès le plus aiguisé de notre scène nationale actuellement. D’aucun militeront Maud Fontenoy comme successeuse naturelle, tant les similitudes se confondent, rien ne semble indiqué que la flamme et la passion de Catherine Chabaud faiblissent au point de ne plus pouvoir s’engager.
D’autres disciplines sportives nautiques ont fait émerger des figures pour la protection de la mer. Ici nous parlons d’un homme qui a traversé l’océan Atlantique à la rame en 2009, durant laquelle il a percuté un gros morceau de plastique : Patrick Deixonne. C’est un homme discret et humble qui a mis les valeurs de don de soi et de discipline, ancien sapeur-pompier oblige, au service de la société. Il crée en 2011, isolé mais précurseur, l’association Expédition 7eme Continent, qui sera la toute première organisation à opérer des expéditions scientifiques dans les gyres de déchets océaniques. Un travail de sape qui a réussi à attirer progressivement les industriels, les responsables politique devant les réalités de la pollution humaines sur et dans les océans. Aujourd’hui son association s’engage sur un énième enjeu non exploré par ailleurs : étudier l’échange mer-air des nanoparticules de plastiques, notamment lors de l’évaporation de l’eau.
Mais défendre les océans et les espèces qui y vivent depuis la surface est un œuvre somme tout limitée. Comment parler d’une chose sans en faire l’expérience la plus complète, la plus immersive, comme pour voir ce qu’il se passe ? Devant ce postulat, l’œil qui explore les océans pour nous en rapporter la substance la plus inspirante, par l’image, est celui de René Heuzey. Cet ancien chauffeur poids lourd né à Lyon, s’est embarqué pour l’aventure de l’image sous-marine dès 1998. Cinéaste, puis réalisateur, il cumule plus de 2000 tournages pour des séries, des documentaires, des publicités, des reportages et pour le grand écran. Thalassa, c’est lui, Océan de Jacques Perrin, c’est lui, Le Koursk produit par Luc Besson, c’est encore lui, Planète Océan de Yann Arthus Bertrand, il en faisait partie aussi. Il sera même le directeur de la photo du film « BBC Blue Planet II » en 2018. En bref, il est incontournable pour obtenir les meilleures images. A travers son métiers, René Heuzey a pu parcourir toutes les mers de notre planète et devenir un témoin en première ligne de la destruction progressive sous la surface. Pour ne pas rester spectateur ce génie de l’image a créé l’association Un Océan de Vie en 2015. Avec cette structure il œuvre pour proposer une sensibilisation par l’émerveillement à travers ses images qu’il partage, mais aussi pour les plus jeunes avec une série de vidéos en DVD destinée aux scolaires. Pour financer son association, il propose également des petits sacs filetés pour récupérer les déchets croisés sous la surface, mais aussi au-dessus. Parmi ses engagements les plus constants, celui de collecter les déchets dès qu’il le peut. Sur Marseille comme ailleurs, il fait toujours preuve de la même simplicité pour répondre aux sollicitations et mettre la main à la pâte. Pour finir, il fait partie de cette magnifique aventure qui permet d’approfondir les connaissances et la documentation d’une famille de cachalots qui ont élu domicile au large de l’Ile Maurice. Mission à laquelle il participe avec son ami, un certain François Sarano…
Si la conservation des océans était un gang, François Sarano en serait le Parrain. Probablement la version masculine de Catherine Chabaud, la politique en moins. Le natif de Valence a connu tout ce qu’un passionné ou une personne engagée pour la conservation des océans peut imaginer. Présenté comme océanographe et plongeur professionnel accompli, son passage à WWF France n’est qu’anecdotique une fois que l’on prend conscience qu’il a fait parti durant plus de treize années des 22 expéditions menées par le bonhomme au bonnet rouge, Jacques Yves Cousteau, à qui il rend hommage dès qu’il le peut. Jusqu’à devenir la doublure de Lambert Wilson dans le biopic « l’Odysée » en 2016. Mais François Sarano a une compétence bien singulière vis-à-vis des autres acteurs qui militent pour la grande bleue : c’est un conteur viscéral ! C’est dans ses tripes, dans ses gênes. Il sait captiver les spectateurs, l’audience et les lecteurs avec pas moins de 16 livres publiés depuis 1993, et vous l’imaginez, autant de prise de paroles et de conférences. Une activité d’orateur mais surtout une expérience unique qu’il partage depuis 2002 avec l’association Longitude 181 qu’il a cofondé avec son épouse. Où sa mission de suivi des cachalots à l’ile Maurice, il a fait partie des premiers acteurs à sensibiliser les plongeurs français en mettant en place une Charte du Plongeur Responsable. Une Ocean Academy créée pour sensibiliser les plus jeunes, l’association qui compte plus de 2000 adhérents, s’engage également pour la protection des requins et des raies.
Mais toute comparaison gardée, la nouvelle figure française des océans, le Cousteau 2.0 est Montpelliérain. Il n’a pas de bonnet rouge, mais c’est sa combinaison de plongée qui est rouge. Il s’agit de Laurent Ballesta, 47 ans, un brin hyperactif et passionné de l’exploration marine. Il est le fils spirituel de Cousteau en ce sens qu’il aime repousser les limites des connaissances de l’homme dans les mers. Biologiste Marin et photographe, il sera le conseiller scientifique marin de Nicolas Hulot dans l’émission Ushuaia Nature de 1999 à 2001. Puis il s’engage dans la valorisation de la recherche scientifique océanographique à travers l’art. Le « beau ». Emouvoir par la photo comme le fait René Heuzey en vidéo, ou François Sarano en conférence. Outre ses publications, il a déjà élaboré plus de 7 expositions, participé à une dizaine de reportage et documentaire grand format et publiés plus de 16 livres. Parmi ses nombreuses productions en voici quelques-unes qui ont particulièrement distingué ce virtuose de la photo : il prendra la photo la plus profonde réalisée par un plongeur à 190 mètres de profondeur en 2007 ; trois ans plus tard il immortalisera le poisson fossile préhistorique, le cœlacanthe au Mozambique ; en 2019 il passera 28 jours au fond de la mer Méditerranée, avant de répéter la performance durant vingt jours à 120 mètres de profondeurs en vue d’étudier le fonctionnement des anneaux de corail dans la zone. Entre les Requins de la Polynésie Française et les coraux de la Méditerranée, ce passionné des océans nous promet pendant encore de nombreuses années de relever les défis les plus originaux, perpétuant ainsi l’héritage laissé par celui qu’il admirait jeune, autrement connu par le nom de son bateau, nommé Calypso.
Voici celles et ceux qui portent les océans et qui le feront jusqu’à leur dernier souffle, porté par une passion certaine de ce monde si particulier. Un patrimoine qui se transmet de génération en génération et qui éveille des vocations, avec déjà des personnalités précoces qui prennent la parole et passent à l’action. Rendez vous au prochain article pour découvrir celles et ceux qui se distinguent déjà pour porter la protection des océans aux générations de demain et d’après-demain.