Orcinus : le temps de l’engagement 3.0
Vous vous en êtes déjà rendus compte : à Ambassade des Océans on vous parle souvent des cétacés et très souvent des orques ! « Quand on aime, on ne compte pas », répondrai-je dans un premier temps. Et puis après tout pourquoi pas : François Sarano parle des Cachalots, Olivier Adam parle des Dauphins, alors pourquoi pas quelqu’un qui parle des Orques. A chacun sa passion. « Tiens, l’auteur nous parle à la première personne du singulier cette fois-ci » aurez-vous remarqué ; ici je répondrai que changement d’action égale changement de style. Puis je vous dirai que rien n’est dû au hasard. Ceux qui écrivent pour l’association prennent le recul de ne pas réagir ou relayer les informations choquantes que tous les médias reprennent en concert. Nous, Ambassadeur des Océans, tachons de prendre le temps, c’est un luxe, pour construire un dossier par article qui nous permet d’étayer chaque argument par une, deux ou trois références concordantes. C’est la base. D’aucun diront que ce que nous faisons n’est pas du journalisme et que nous devrions être plus réactif, encore ici je répondrai que, si tant est que les professionnels de l’information contemporains soient dignes de la charte de Munich, nous ne sommes que des membres dévoués et nous nous appliquons au maximum pour transmettre notre passion.
Cette introduction était nécessaire car l’article qui suit tient autant de l’information que de l’annonce. Dans un premier temps, une information pour vous alerter que par-delà le monde, les petits cétacés sont de plus en plus convoités et menacés par une quarantaine de pays : depuis les USA en passant par l’Australie, le Canada, le Brésil, la Chine, le Sri Lanka jusqu’aux paradis des îles Philippines ou Saint Vincent les Grenadines. Tous les continents sont représentés et ont leur part dans une tuerie qui perdure et se développe.
En 20 ans, la demande de viande de cétacés a explosé et risque encore de croître, selon l’agence Conservation Migratory Species of Wild Animals (CMS). En 2004, 45 espèces de petits cétacés étaient chassées… en 2019, 56 sont chassées de manière permanente. Comme les dauphins et les cétacés en général, les orques subissent cette pression car leur chasse sert directement ou indirectement la consommation de protéine animale pour les pays industrialisés :
- Transformées en farines pour les élevages de poissons et bétails,
- Transformées en appâts pour la pêche sauvage,
- Directement servies à l’assiette ou en vente libre dans certains pays,
- Un met qui tente de pénétrer dans les pays occidentaux.
100 000 de ces créatures sont pêchées de manières illégales et/ou par contournement réglementaire. Et cela n’intègre pas le « by catch » (prise accidentelle dans les filets de pêche) : béluga, dauphins communs, grands dauphins, globicéphales parmi les 56 espèces de delphinidés… dont les orques !
“What the fuck” direz-vous?! Et vous aurez raison ! Il s’agit bien ici d’un modèle de mondialisation de massacre des océans scandaleux… officieusement toléré mais quand même mis sous silence. On aurait pu croire que la Commission Baleinière Internationale (International Whaling Commission), mandaté par les Nations Unies pour gérer les quotas de pêches en la matière, puisse s’approprier cette activité. En effet le terme anglais « Whale » dépasse toute notion de taille et concerne les cétacés, de la baleine à bosse au marsouin, en passant par les cachalots, les bélugas, dauphins et orques. En gros, c’est un autre terme pour désigner les cétacés. L’exemple du « whale-watching », traduit littéralement par « observation des baleines », inclut l’observation des gros et des petits cétacés, de la même manière que le « whaling », se traduit par « chasse à la baleine », incluant donc petits et gros cétacés. Or, il n’en est rien. Cette Commission (mot désignant également un pourcentage sur un chiffre d’affaire pour un apporteur d’affaire…ou un terme déguisant un pot de vin politique dans certains cas) Baleinière Internationale, qui n’a toujours pas prouvé sa compétence et son autorité en matière de gestion des « grosses baleines », exit le Japon et surtout la Norvège (on tape souvent sur le Japon, mais la Norvège fait pire et on en parlera bientôt). De surcroit, malgré la création d’une sous-commission composée de spécialistes mondiaux des petits cétacés, cette CBI renvoie la gestion des petits cétacés à chacun de ses pays membres, dans un style qui indique qu’ils n’ont pas que cela à faire. Autrement dit si un pays membre veut les chasser, il le peut dans les limites…illimitées… de ce qu’il se fixera comme objectif/quota.
Et les espèces protégées ? Personne ne contrôle, et personne ne sanctionne, aucune raison réelle de s’en priver. Et c’est là où le bât blesse. Les orques le savent bien. La compétence est nationale, mais aucune législation n’est existante. Le pêcheur en chef Samuel Hazelwood, à Saint Vincent les Grenadines, indiquait en 2018, pris en flagrant délit de débarquage de trois orques fraichement harponnées, qu’aucune loi n’avait été enfreinte et que celle prévue par le premier ministre n’avait toujours pas été présentée depuis son annonce en 2016. Il précisera avec bonne foi que dès qu’il y aura une loi votée, les pêcheurs la respecteront. Évidemment le Premier Ministre a publiquement condamné cette pêche rappelant que les pêcheurs savaient que le pays s’était engagé internationalement, mais n’a toujours pas légiféré sur son territoire à l’approche des élections nationales en 2020. Trop risqué devant l’opposition, conservatrice, qui veut le retour de la chasse à la baleine… mais nous vous parlerons lors d’un autre article de ce qu’il se passe à Saint Vincent les Grenadines à l’image des huit autres pays qui chassent les orques, malgré le fait qu’elles soient protégées par plusieurs conventions internationales (Convention de Bern, Spaw protocol, ASCOBANS, ACCOBAMS…).
Devant l’hypocrisie mondiale, et l’inaction que l’on peut constater, j’ai décidé de m’engager personnellement sur le terrain pour la protection des orques contre leur chasse. Partant des principes suivants :
- Si on ne peut protéger efficacement une espèce aussi étudiée, connue et aimée, aucune autre espèce ne pourra l’être,
- Si on ne peut empêcher de perdre 200 orques par an, alors nous condamnerons définitivement les 100 000 petits cétacés.
Mais ce n’est pas en restant derrière ce bureau d’où j’ai écrit cet article que je vais pouvoir y faire quoi que ce soit. Même si c’est derrière ce bureau que je remue chaque jour un peu plus, ciel terre et mer, pour agir. C’est donc en stratège, junior mais stratège quand même, que j’ai construit depuis un an un programme, que j’ai nommé Orcinus. Référence à l’orque, étendard des autres petits cétacés, dont le nom latino-scientifique est Orcinus-Orca, mais aussi au sens premier d’Orcinus en latin : « venant du royaume des morts » ! Une symbolique qui fait autrement écho à l’annonce d’une étude scientifique menée par un français, Jean Pierre Desforges, qui pressent un effondrement de la population des orques de 50% d’ici 2049 à cause, entre autres, des polluants chimiques présents dans les océans. Pourvu qu’un sursaut soit encore possible… cette espèce montre une résilience et une capacité d’adaptation pour lui permettre de renaitre…bref. L’objectif de ce programme est autant d’encourager la création d’alternatives économiques à la chasse des cétacés (petits ou gros, même combat), que de motiver les institutions à réglementer, contrôler et sanctionner cette pratique.
Et c’est sans perdre de temps que je me rendrai à Sainte Lucie et Saint Vincent les Grenadines prochainement, théâtres de tueries banalisées, pour faire les premiers reportages terrain en collaboration avec Adam Gravel président de l’association Salvage Blue. Mais cela aussi dans l’esprit de consolider par l’image les informations déjà rassemblées. D’où l’article sur Saint Vincent les Grenadines annoncé quelques lignes au-dessus.
Avec Ambassade des Océans, nous vous proposerons également une conférence spécifique, introduite à l’exposition La Mer XXL le 29 Juin dernier, pour présenter la situation globale qui touche les orques du monde entier, et présenter les première pistes d’actions tirées du programme que les passionnés pourront soutenir financièrement et/ou en rejoignant l’équipe. Si vous voulez nous soutenir, c’est ici et maintenant que cela commence!
Restez à l’affut pour les prochaines étapes !
Bon été à vous et rendez-vous en septembre 😉