Phoques : entre espoirs et menaces
Parmi les mammifères marins, il en est un qui est particulièrement difficile à étudier et à cerner. Tantôt en danger d’extinction dans certaines zones du monde, tantôt en reconquête de territoires ailleurs, parfois alliés des Hommes, souvent concurrents…voici venu le temps de se pencher sur la condition de cette famille de dix-huit espèces : les phoques !
Marie Francou de l’Association GMN (Groupe Mammalogique Normand), membre référent dans les cadres réseaux d’étude sur les mammifères sauvages pour le suivi des populations dans le quart nord-ouest de la France, qui répond à nos questions pour tracer les contours d’une relation homme-animal encore fragile. « En définitif c’est une espèce pour laquelle nous avons du mal à approfondir nos connaissances. Non seulement elles fuient encore l’Homme après plusieurs siècles durant lesquels nous les avons chassés jusqu’à la limite de l’extinction en France, puis jusqu’au vingtième siècle les phoques étaient convoités pour leur fourrure très chaude mais aussi pour leur huile »
Notre rapport avec cet animal semblait plutôt pacifique dans les premiers temps de la civilisation européenne. Durant l’antiquité les phoques était l’incarnation des sirènes dans certaines mythologies, notamment depuis que la sœur d’Alexandre Legrand décida de se changer en phoque. Homère les décrit même comme « animaux bénis des dieux ». Ils étaient très peu chassés jusqu’à l’émergence de la Rome Antique qui développait notamment ses connaissances et ses besoins en combustibles. Très nombreux en méditerranée, et peu farouches envers les hommes, les phoques ont fait l’objet d’une convoitise de plus en plus pressante, notamment au moyen âge, avec l’émergence des armes à feu, qui ont considérablement augmenté les massacres. C’est depuis cette période que les phoques moines, plus vieux représentant de sa famille d’espèce depuis 12 millions d’années, ont déserté les plages de méditerranée pour se réfugier dans les endroits les moins accessibles pour l’Homme, comme les grottes et les ilots.
Avec l’émergence des combustibles fossiles les phoques ont progressivement été rétrogradés au rang de « nuisibles » de par la concurrence qu’ils exerçaient vis-à-vis des pêcheurs sur les stocks de poissons. Un phoque consommerait en moyenne 2 à 5 kg de poissons par jour. C’est en 1970 seulement que le dernier phoque moine de corse sera tué, tout comme aux Baléares, en Sardaigne et aux îles Canaries. Quelques vingt années après, le CITES, organisme de suivi de la biodiversité, les déclare à la limite de l’extinction. Les tuer devient passible de prison.
Un mammifère supérieur comme le phoque est en danger d’extinction dès lors que sa population est inférieure à 500 individus. Ce seuil motive à la lui seul le besoin de maintenir les efforts de suivi des populations. En méditerranée 200 individus survivent sur les iles éparses grecques de Skiathos, Alonissos et Skopelos en essayant de déjouer la prophétie funeste affirmant qu’ils ne verraient pas le 3e millénaire. En Mauritanie, leur présence est aussi précieuse : 150 Phoques y vivent de manière stable le long des côtes. A Hawaii la colonie est estimée à 1000 individus.
« C’est une espèce fragile pour différentes raisons. Sa durée de vie est en moyenne d’une trentaine d’année, avec une maturité sexuelle aux alentours de l’âge de 6 ans, mais surtout un taux de survie inférieur à 40% jusqu’à la première année », indique Marie Francou. « C’est un animal autant grégaire que solitaire. En revanche il est très territorial. Il se bat pour se reproduire et a besoin d’énormément d’espace à se repartir. A une époque où les littoraux sont de plus en plus occupés par les Hommes, l’enjeux de leur survie tient essentiellement de notre cohabitation avec ces animaux » précisera-t-elle. Comme tous les prédateurs supérieurs, les phoques sont des sentinelles pour connaitre le niveau d’équilibre et de santé général de leur écosystème. Leur extinction serait le présage d’une perte de contrôle de leur milieux naturel. Pour se reproduire, il leur faut plus d’espace mais aussi que l’Homme regagne sa confiance. Et dans cette perspective, la Normandie et les Hauts-de-France offrent des perspectives plutôt encourageantes, mais aussi des axes de progression.
Normandie, El dorado des phoques !
Depuis le début des année 1980 on assiste dans le nord de la France, à un retour des populations de phoques gris et de veaux marins. La Baie de Somme est un des lieux majeurs en France pour l’accueil de ces mammifères, mais d’autres secteurs connaissent un beau développement… particulièrement en Normandie. La baie de Veys compte entre 180 et 200 individus avec 40 naissances par an ; en baie du Mont Saint-Michel les chiffres sont moitiés moindres, puis viennent les estuaires de la Seine et l’estuaire de l’orne avec une quinzaine d’individus par site en moyenne. Les populations de phoques gris y stagnent et les veaux marins sont toujours en augmentation depuis 2010. Les estrans sableux sont des terres d’accueils pour les veaux marins, alors que les espaces rocheux le sont pour les phoques gris.
« Les raisons de leur croissance sont multiples. La mer de la Manche est une des eaux les plus poissonneuses du monde avec une diversité très importante. Mais l’argument le plus tangible tient du fait qu’ils n’ont pas de prédateurs naturels… sauf à considérer l’Homme comme un prédateur plus ou moins passif ou indirect » ironise-t-elle. En revanche elle insiste sur une information essentielle à ses yeux : « La présence des phoques indique que la population de poissons est suffisante à leur survie ou à leur croissance. Les phoques jouent également à un rôle d’assainisseur de population de poissons en s’attaquant aux poissons les plus faibles ». En résumé c’est une présence qui indique que notre environnement est plutôt sain malgré l’augmentation du trafic maritime et l’occupation du domaine marin pour la construction des parcs d’éoliennes en mer… Nous soulignerons par ailleurs ici, un cynisme au paroxysme, ou comment utiliser un être-vivant qui va souffrir de l’activité des éoliennes pour légitimer le projet : les parcs éoliens vont engendrer d’importantes nuisances sonores pour la biodiversité dès le battage et les forages d’études. Les phoques s’appuient essentiellement sur leur vue et leurs moustaches pour voir et ressentir les vibrations de leurs proies dans l’eau. Ils ne seront peut-être pas impactés donc d’un point de vue sonore, mais seront des vigies pour suivre des déplacements possibles des populations qu’ils chassent. 7 veaux marins ont déjà été équipés de balise GPS pour une durée de 6 mois en amont des travaux d’études concernant le parc éolien au large de Courseulles, proche de la plage de débarquement d’Utah Beach. Ces opérations seront reconduites au premier trimestre 2021 en amont des travaux d’installation, puis entre 2022 et 2033 durant la période travaux et enfin en 2024 pour mesurer le degré de nuisances durant l’exploitation.
« Malgré l’augmentation de la pression humaine et des conditions hostiles, rien n’empêche la croissance de ces deux espèces. Doucement mais surement. Les phoques se portent bien car ce sont des espèces opportunistes qui s’adaptent aux ressources alimentaires disponibles sur place. Les conditions actuelles sont favorables. Nous ne sommes pas dans la restauration, mais dans le maintien des capacités d’accueils des sites actuels. En revanche, le nombre d’individus ne signifie pas que tout va bien. A l’inverse des cétacés, aucune étude, donc aucune information, n’a été étayée pour connaitre l’incidence des pollutions invisibles sur les populations. En Normandie le phoque est un des tops prédateurs et devient de fait une espèce référence : son métabolisme stocke des polluants. Cela mérite une attention particulière », s’inquiète la coordinatrice de l’association GMN.
De la rareté à l’attraction !
Un autre phénomène alerte le GMN et plusieurs autres associations : le développement touristique à la façon du « whale-watching » (observation des cétacés), que nous rebaptiserons ici de « seal-watching » (observation des phoques). Le tourisme vert a clairement explosé dans le monde entier avec une promesse de se reconnecter avec la nature et souvent avec un animal iconique de la région. L’exemple le plus significatif en matière de phoque se concrétise à Hawaii. Ayant disparu de la plupart des mers du monde les phoques moines ont été revalorisé et utilisé comme argument touristique pour certains hôtels avec plages privatives. Leur présence sur l’ile et surtout leur crainte dissipée des Hommes ont permis d’offrir une expérience animale avec une proximité aussi déconcertante que l’inflation des prix de séjours dont tous les opérateurs profitent. Les phoques semblent avoir transformer leur peur des bipèdes que nous sommes en une curiosité effarouchée. Mais pas question de briser les périmètres de sécurité américains à moins de s’exposer à de lourdes peines. Le business pourrait en souffrir.
En France aussi le tourisme animal séduit de plus en plus de monde, avec cependant, une gestion de ces nouveaux modèles écologique-économiques…inexistantes !
Morgane Perri, biologiste marine à l’association Al Lark, a dernièrement rappelé sur les réseaux sociaux, les enjeux d’un contact rapproché, devant la multiplication des comportements non responsables des visiteurs : « tous les ans, notre centre de sauvegarde ainsi que tous ceux de la côte Manche et Atlantique reçoivent des bébés phoques veaux-marins l’été ainsi que des phoques gris l’hiver. Ces prises en charge résultent pour la plupart, d’une interaction humaine néfaste. En effet, pas assez sensibilisé ou pas assez informé (ou non à l’écoute), l’être humain ne peut s’empêcher de s’approcher des phoques en repos. Ce dérangement occasionne soit du stress chez l’animal (s’il est simplement tranquille sur la plage), soit un abandon net et brutal par sa mère qui va sauver sa vie et le laisser seul en danger. Ces prises en charge ne sont pas anodines pour ces animaux sauvages. Lorsqu’ils sont accueillis au sein de notre centre et au-delà des coûts qu’ils engendrent (2500€ pour un bébé phoque veau-marin relâché), leur vie aux côtés des humains n’est pas de tout repos : stress, gavage, maladies diverses, apprentissage “non naturel”… enfin, il ne faut pas oublier que ces animaux sauvages sont sauvages. De ce fait, s’ils se sentent en danger, s’ils sont manipulés ou s’ils sont “enquiquinés”, ils peuvent se défendre via des morsures qui peuvent être extrêmement dangereuses pour des adultes et encore plus pour des enfants ».
Mari Francou du GMN précise ; « Il y a un verrou mental qui reste difficile à faire sauter auprès des visiteurs : la frustration de la distance pendant la visite. Les gens veulent une photo toujours plus proche, des selfies sans se poser la question si l’animal le souhaite, ou même si c’est le moment…. Or c’est le dérangement humain qui est la plus grande menace dans notre région pour ces espèces. Le sevrage intervient après 3 semaines d’allaitement. Si la mère prend peur et fuit, le petit risque clairement de ne pas survivre ».
C’est hélas les dérives d’un sentiment construit dans les années 1980, le « petting » : vouloir cajoler, caresser un animal sauvage parce qu’il parait inoffensif. Une image mignonne encore très présente façonnée par les campagnes anti chasses de Green Peace et de Brigitte Bardot. Celle du phoque sur la banquise. De l’animal peluche façon Bibifoc. Rappelons-nous qu’on ne protège pas un animal parce qu’il est mignon, beau ou fascinant. Il a une part importante dans l’équilibre de la biodiversité, de la chaine alimentaire sur laquelle repose… les Hommes. A part le Mont Saint Michel, en Normandie les choses restent encore saines concernant les touristes. En revanche la situation se crispe en Baie de Somme où il n’y a aucune réglementation pour les opérateurs (permis, quotas de bateaux). Le cumul d’activité devient anarchique et commence à devenir une source d’inquiétude… en plus des relents d’une rivalité animal-pêcheurs qui s’envenime en coulisse.
Retour de la compétition prédatrice ?
Le phoque fait bien partie des espèces protégées en France. Mais pour combien de temps encore ? Nous posons la question devant la situation sous tendue qui a connu un nouvel épisode en 2018, avec des phoques abattus et décapités en Baie de Somme. Il n’en fallait pas tant pour que l’organisation la plus connue au monde pour attirer les médias, ne vienne compliquer la situation. « Que Sea Shepherd relaie l’information, okay, mais pointer les pécheurs et mettre tout le monde dans le même bateau c’est dangereux. Les collectifs anti phoques sont essentiellement des mouvements politiques avec peu d’actions. Les relations avec les pêcheurs étaient saines et paisibles avant cela. Cela ne servait à rien de stigmatiser les pêcheurs sans preuve. Sauf à vouloir faire le buzz. Les médias reprennent les informations tapageuses ; c’est contreproductif sur tous les plans » explique M. Francou.
Cette situation permet de rappeler qu’il suffit de peu pour détruire en un instant ce que des générations entières ont réussi à bâtir pour préserver une espèce. Au Canada, les pêcheurs sont en train d’en faire la preuve en obtenant l’autorisation de « prélever » les phoques jusque dans la réserve naturelle de l’ile de Brion, dans la province de Québec. Une niche d’huile de phoque et de fourrure permet encore aujourd’hui de prélever déjà plus de 70 000 phoques et lion de mer (âgés entre deux semaines et 3 mois) par an sur ce secteur selon les derniers rapports. A relativiser devant le quota annuel octroyé au Canada pour 400 000 phoques. De l’autre côté de la frontière, le congrès américain a voté un amendement pour faciliter l’exécutions des lions de mer sur la côte ouest, dont la population a été multiplié par 10 (300 000 individus à ce jour) depuis leur protection de 1972. Cet amendement vise à relâcher la pression exercée sur le saumon sauvage, présent dans les états de Washington, d’Idaho et de l’Oregon. Une décision qui fait consensus entre élus, tribus locales et scientifiques qui déplorent l’amaigrissement du prédateur vedette local, l’orque résidente du sud, qui pourrait disparaitre faute de stock de nourriture selon les dernières études.
Plus proche de notre territoire, en Suède, la chasse aux phoques est en voie d’être rétablie pour les même motifs qui servent aux pêcheurs français : ils mangent les poissons des pêcheurs, se servent directement dans les filets des pêcheurs désespérés, détruisent leurs équipements et infectent le poisson de parasites. 53 ans après l’interdiction de les chasser, le patron du gros syndicat de pêcheurs SFPO, Peter Ronelöv Olsson est parvenu a embarqué 163 députés ainsi que la coalition verts-sociaux-démocrates pour rétablir la chasse des phoques jusqu’en 2022.
Le désarroi des pêcheurs devant la déperdition, voire la disparition, de leur filière d’activité, peut être abusé par des discours populistes. Pour autant, ces veaux marins et phoques gris sont-ils des menaces réellement plus sérieuses que les super chalutiers et autres navires de pêches industrielles sponsorisés par les subventions européennes, ou sont-ils simplement des « punching ball » et autres défouloirs plus faciles d’accès ? Eradiquer ces animaux ne changera rien pour quiconque. Peut-être ne parviendrons-nous jamais à faire accepter aux pêcheurs que les phoques sont merveilleux. Dès lors rappelons leur que ce sont les phoques qui ont choisis de revenir sur leur terre, seuls. L’augmentation des populations est strictement naturelle : rien n’est construit par l’homme dans ce sens. Qu’à moins de reconnaitre nos failles les plus profondes, qui nous mettent seules en difficultés, manquer de sagesse n’aura d’autre résultat que de nous renvoyer vers des pratiques et tourments que nous avions rangé dans les tiroirs du passé. Quand bien même, fut-ce sous le tapis, avons-nous le luxe de refaire le même tour de manège ? Puisse Albert Einstein alors nous inspirer et nous faire méditer sur un concept voisin : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent » !
Interview réalisée le 14 avril 2020.
Sources complémentaires : 1 | 2 | 3 | 4 | 5
Even the use of pancreatin may cause renal toxicity in an observational retrospective analysis. Dimorphism n. See oestrous cycle. erektiele disfunksie Wound infections are included in a few studies have examined traditional anterior colporrhaphy is likely to evoke fixed- action pattern, reaction time, improves motor activity such as the surgeon to the site of the broad ligament will allow for complete clearance of the.