Norvège & Baleines: une relation toxique
A quelques mois de la 69ème convention bi annuelle de la commission baleinière internationale, prévue en fin septembre dans la capitale Péruvienne, Lima, une étude surprenante réalisée par une coalition d’ONG (Animal Welfare Institute, NOAH, Whale and Dolphin Conservation) vient remettre en perspective ce que nous savions sur la contamination aux substances chimiques humaines des mammifères marins. Longtemps réservées aux prédateurs carnivores marins supérieurs, ces substances sont également retrouvées chez les baleines à des niveaux présentant un potentiel de risques pour la santé aux humains en cas de consommation de viande au pays d’Odin.
Une expérience réalisée entre mars et septembre 2023 a permis d’étudier la qualité de la viande de baleine commercialisée en Norvège. Après avoir acheté 8 morceaux de viande de petit rorqual cru ou congelé, dans 4 épiceries locales et sur deux sites d’achats en ligne norvégiens, les échantillons ont été envoyé à l’institut Akvaplan-niva de Tromsø. Cet institut de recherche et développement à but non lucratif, expert dans tous les milieux aquatiques qui fournit des services de laboratoire accrédités pour l’analyse chimique, où ils ont été analysés pour une gamme de contaminants en septembre 2023.
La découverte la plus significative est la présence de sulfonate de perfluorooctane (SPFO) dans tous les échantillons de viande de baleine, avec des niveaux allant de 1,1 à 7,2 μg/kg et une moyenne de 3,23 μg/kg. Le SPFO fait partie d’une classe de produits chimiques connus sous le nom de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), une classe de produits chimiques synthétiques utilisés depuis plus de 50 ans dans un certain nombre de produits, notamment les emballages alimentaires, les poêles à frire, vêtements imperméables, appareils électroniques, mousse extinctrice, produits de nettoyage et certains types des lubrifiants pour skis.
Connus sous le nom de « polluants éternels », leur utilisation répandue et leur persistance dans l’environnement a entraîné une contamination importante de l’environnement, en particulier de l’eau. La présence de PFAS dans l’alimentation humaine est principalement le résultat de la bioaccumulation dans les chaînes alimentaires aquatiques et terrestres. Une étude norvégienne a montré que l’alimentation était la source prédominante d’exposition humaine aux PFAS
La consommation de seulement 100 grammes de viande de baleine par semaine suffirai à dépasser la dose de SPFO hebdomadaire tolérable établie par l’Autorité de sécurité des aliments européenne (EFSA), pour un humain pesant 70 kg. En 2020, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a publié une déclaration sur les risques pour la santé associée à la présence de substances perfluoroalkylées dans les denrées alimentaires.
L’EFSA a conclu que ces substances peuvent avoir des effets néfastes sur le développement humain et le bien-être, incluant une réponse réduite des anticorps à la vaccination, une propension accrue à l’infection, augmentation des taux de cholestérol sérique et LDL (facteurs de risque de maladies cardiovasculaires), réduction poids à la naissance et effets néfastes sur le foie et le système immunitaire. Des études ont établi le lien entre l’exposition aux PFAS et les effets graves sur la santé, y compris une altération du système immunitaire et du fonctionnement de la thyroïde , cancer, maladie du foie, maladie rénale, dérégulation des lipides et de l’insuline et effets indésirables sur la reproduction et le développement des fœtus.
Bien qu’elle conseille au public de ne pas consommer du poisson contenant des niveaux de PFAS comparables à ceux trouvés dans les échantillons de viande de baleine testés, l’Autorité norvégienne de sécurité des aliments ne donne actuellement aucun conseil relatif au niveau de ces substances dans les produits destinés à la consommation humaine destinés aux mammifères marins.
Aujourd’hui 100 000 des 5,5 millions de norvégiens consomment régulièrement de la viande baleine ; une étude récente de l’Institut norvégien pour La santé publique (NIPH) a constaté que plus d’un enfant norvégien sur quatre (28,6 %) était testé à des niveaux de PFAS supérieurs à ce qui est considéré comme sûr. Ces chiffres devraient continuer de croitre devant l’effort maintenu du gouvernement norvégien de soutenir la consommation de cette viande, en subventionnant annuellement les efforts marketing de la « Norwegian Whale Brand Association », lobby de l’industrie baleinière locale, mais surtout devant l’augmentation des quotas que s’octroie la première puissance baleinière mondiale de manière indépendante, passant de 1000 en 2023, à 1157 pour 2024.
Pourvu que la prospérité promise par le dieu des océans, Ægir, ne subisse la malice de Loki !