L’hippocampe, légende vivante!
L’hippocampe, animal marin légendaire
Ce petit poisson bien connu du grand public est encore trop peu le sujet de documentaires et de recherches. Nous savons tous à quoi il ressemble avec sa tête de cheval et son corps entortillé. Souvent, même les plus petits savent que chez cette espèce, c’est le mâle qui porte les bébés et qui les met au monde. Nous partons aujourd’hui à la redécouverte de cet animal aussi fragile que symbolique.
Un animal déjà connu dans l’Antiquité
Dans un premier temps classé avec les insectes aux prémices des ouvrages de recensement biologique, l’hippocampe appartient bien aujourd’hui à la famille des poissons du fait de sa constitution qui le dote de nageoires, d’un squelette et de branchies. Le premier fossile d’hippocampe découvert, datant d’il y a environ 70 millions d’années, ressemble déjà à l’animal que l’on connaît de nos jours. Sa forme est tout simplement décrite par l’étymologie de son nom ; Hippocampe signifie cheval (grec, hippos) courbé (grec, Kampê). Illustrant le symbole du pouvoir et de la force dans la mythologie Grecque, l’hippocampe était distinctement représenté avec un buste à tête de cheval et un corps de poisson. L’animal est souvent associé à un cheval de mer du char de Poséidon. Dans la culture asiatique on accorde à ce petit animal, entre autres, des signes de chance.
La vie dans les prairies sous marines
Les hippocampes sont présents dans tous les océans du globe et se logent généralement dans les prairies sous-marines du littoral des mers tempérées et tropicales. Toutefois, leur nombre est plus important dans les zones de courants marins chauds (longitudes comprises entre 40° de latitude nord et sud). Sachez qu’ils ne supportent pas l’eau douce : des essais ont été faits et ces animaux meurent en dessous d’un certain degré de salinité de l’eau. La plupart du temps, les hippocampes restent accrochés aux herbes et algues pour attendre patiemment leurs proies, dans des espaces appelés herbiers de zostères. Les herbiers de zostères sont des endroits sableux protégés des courants violents, où des plantes se développent sous l’eau. Ces milieux marins se trouvent en général juste en dessous du niveau des plages. C’est dans cet environnement que vit une vaste faune qui comprend les éponges, vers marins, mollusques, crabes…pour ne citer que les plus connus. Mais, le milieu idéal pour ces animaux reste les récifs de coraux, dans les mers chaudes et tropicales où la vie abonde. C’est dans ces milieux-là que leur nourriture est la plus généreuse et l’habitat propice à leur reproduction. C’est d’ailleurs sur la grande barrière de corail Australienne que l’on trouve la plus grande diversité d’hippocampes avec un tiers d’espèces représentées.
Les hippocampes sont incapables de nager sur de longues distances mais, par la magie de la nature, il est arrivé que de nouvelles colonies se déploient sur des littoraux où les hippocampes n’existaient pas. Dans ces situations, les scientifiques ont supposé que ce sont les algues elles-mêmes qui ont été arrachées du littoral et qui ont voyagées et dérivées au large. C’est sûrement ainsi que l’hippocampe nain du Golfe du Mexique a été retrouvé dans l’archipel des Bermudes.
En Méditerranée, vous pourrez observer deux espèces lors de vos plongées : l’hippocampe à museau court et l’hippocampe moucheté. Ils se cachent dans les herbiers de posidonies (même type d’herbier que les herbiers de zostères).
Depuis quelques décennies, les hippocampes avaient presque disparu des bords de mer français car les magasins de souvenirs les vendaient séchés ou vernis comme porte-bonheurs. Mais des associations locales, notamment près du bassin d’Arcachon, rapportent une augmentation de la population depuis environ 20 ans, ce qui est très encourageant.
Un mariage harmonieux de plusieurs animaux
Saviez-vous que l’hippocampe rassemble des traits physiques du cheval, des insectes, des singes et même des caméléons ?
L’hippocampe est donc un poisson qui possède des branchies, des nageoires et un squelette interne. Comme il ne peut nager que très lentement à cause d’une nageoire dorsale qui ne peut battre qu’à 20 Hz, sa queue préhensile lui permet de s’accrocher à différents supports marins tels que les algues ou les coraux et l’aide à se déplacer en s’accrochant d’algue en algue. Dans de rares occasions, l’hippocampe rampe au sol grâce à des ondulations du corps. Sa tête de cheval munie d’un museau très fin lui permet d’aspirer ses proies, notamment les planctons. Comme le caméléon, l’hippocampe possède deux yeux indépendants et mobiles ce qui lui confère une vision très large.
Sa peau ressemblant à une cuirasse (la carène), comme les insectes, le protège des petits prédateurs. Son corps restera toujours à la verticale qu’il nage ou se repose. Les hippocampes mesurent de 2,5 cm pour l’hippocampe nain à 35 cm pour le géant et pèsent entre 40g et 60g.
Un gros mangeur malgré sa petite taille
Le régime alimentaire des hippocampes est très spécifique. En effet, leur museau, en forme de pipette, se termine par une petite bouche édentée qui ne leur permet d’aspirer que de minuscules animaux (des animalcules) et autres petits nutriments, car leur mâchoire est soudée. Leur régime est donc constitué principalement de petits crustacés qui pullulent sur les algues et dans les cavités des coraux. Les hippocampes doivent être particulièrement méticuleux lors de cette opération de « pipetage » pour mener à bien cette chasse à vue, qui demande beaucoup de précision, une grande attention et beaucoup de temps. Leur système digestif étant dépourvu d’estomac, d’un seul rein et leur bouche de dents, l’hippocampe est obligé de s’alimenter très souvent. Il passe donc une grande partie de ses journées à rechercher de la nourriture.
Un maître en camouflage
Il existe aujourd’hui une cinquantaine d’espèces d’hippocampes, de la famille des Hippocampus. De manière générale, les hippocampes sont associés aux syngnathes, qui regroupent les caractéristiques suivantes : une bouche minuscule qui se termine par un museau tubulaire plus ou moins long, un corps allongé et protégé par des plaques dermiques formant des anneaux, l’absence de dents sur les mâchoires et de nageoires pelviennes, des branchies en houppes qui s’ouvrent à l’extérieur par un orifice réduit.
La famille des syngnathidés fait partie du groupe des gastérostéiformes qui rassemble les fistulaires, les bécasses de mer, les poissons-rasoirs, les poissons-trompettes et les pégases. Alors que la majorité des poissons ignorent la parade nuptiale et l’accouplement, les hippocampes aiment user des deux. Leur parade amoureuse ressemble à une danse lente et gracieuse (voir vidéo ci-dessous). Mais le plus surprenant chez les hippocampes est que dans le couple, c’est le mâle qui porte la progéniture et qui lui donne naissance. Au terme d’une danse intense, la femelle va appuyer son ventre contre celui de son partenaire et les premières gouttes de laitance jaillissent alors. L’un des deux partenaires commence alors à frissonner, de la tête à la queue, communiquant ainsi son frisson à l’autre. https://www.youtube.com/watch?v=kqESXT5VzP8&feature=youtu.be
Puis, la parade continue par des phases de frissonnement, d’excitation, et des phases plus longues d’environ 20 minutes où le couple se fige. Leurs queues s’enroulent ensemble et le couple se laisse balancer au gré du courant.
Ensuite, l’hippocampe mâle ouvre sa poche incubatrice et la femelle y dépose ses œufs grâce à son ovipositeur (tube de ponte). Les œufs sont alors aussitôt fécondés par le mâle. A l’issue de ce processus, les deux amants peuvent enfin se reposer et le mâle va veiller sur sa progéniture pendant 10 à 60 jours selon les espèces.
Pendant la période de gestation, les œufs vont éclore au sein de la poche marsupiale et les embryons y resteront au maximum deux mois, pour y grandir jusqu’à leur naissance. Le mâle va par la suite expulser les bébés (le nombre varie d’une dizaine à environ 650 chez les hippocampes mouchetés) par petits groupes. Les bébés mesurent alors environ 5mm de long. Ils vont vite apprendre à s’accrocher, parfois même entre eux, et à se nourrir. Quelques jours après leur naissance, ils sauront se tenir verticalement et grandiront très rapidement (en un mois, ils passeront de 5mm à environ 4cm).
Les hippocampes atteignent leur maturité sexuelle entre le cinquième et le huitième mois, c’est alors que le cycle de la vie peut recommencer.
Pour se défendre et se protéger des prédateurs, la technique la plus répandue chez les hippocampes est le mimétisme. Comme les caméléons, ils peuvent reproduire la couleur du support sur lequel ils se trouvent. Leur peau prend la teinte dominante de leur environnement, et des tâches, bandes, points ou marbrures viennent compléter leur panoplie pour faire disparaître leur forme aux yeux d’un prédateur éventuel.
Cette technique de camouflage n’exclut pas pour autant l’adoption de couleurs vives comme en exhibent certaines espèces tropicales des récifs coralliens, capables de changer de couleur à la moindre alerte.
Les hippocampes ont une longévité, en fonction des espèces, de 2 à 4 ans.
Les menaces pour l’hippocampe
L’Homme mis à part, son principal ennemi qui se trouve être aussi son voisin est le poisson-crapaud. Grâce à son camouflage et au mimétisme qu’il sait fort bien utiliser, il se protège d’autres prédateurs comme les raies, les sars, les rémoras, …
Bien sûr, nous capturons les hippocampes pour les mettre dans nos aquariums mais aussi pour les transformer en poudre ou les sécher. Plus de 20 millions d’hippocampes sont capturés chaque année.
Nous souhaitons rappeler que, pour qu’un hippocampe arrive dans l’aquarium d’un particulier, au moins dix spécimens doivent être capturés. Le marché de l’aquariophilie n’est que très peu contrôlé et il y a de nombreuses dérives motivées par l’appât du gain. Un hippocampe, en France, peut se vendre selon les espèces entre 65€ et 135€ en élevage sur internet. Notez que seulement 0,1% des hippocampes survivent en aquarium au-delà de 6 semaines car ces petits êtres sont incapables de s’adapter à une nourriture morte et/ou congelée. Les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest sont les premiers importateurs d’hippocampes vivants pour les aquariums. Ils proviennent principalement d’Indonésie, des Philippines et de plus en plus souvent du Brésil.
Le marché de la médecine traditionnelle chinoise, qui prône des vertus médicinales et aphrodisiaques à l’hippocampe (principalement les yeux d’hippocampes), génère la pêche de 150 millions d’hippocampes sauvages par an dans toutes les mers du monde. En 2000, 70 tonnes de ce petit poisson ont été vendues en Asie. Bien qu’interdite, l’activité est tellement lucrative que certaines populations locales continuent de les pêcher. Le kilo d’hippocampe séché se vend entre 530 et 2600€, ce qui représente environ 100 animaux. Il arrive que ces animaux soient parfois simplement séchés et vendus tels quels, en porte-clés ou bijoux (environ 1 million péché par an).
Sans aucun doute, la pollution des océans est aussi un facteur alarmant pour l’hippocampe, qui ingère probablement des microparticules de plastique. De plus, les herbiers de zostères sont de plus en plus pollués par les herbicides et pesticides qui font régresser la densité et la surface de cet habitat.
Depuis le 15 mai 2004, les hippocampes sont inscrits dans l’annexe II de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction). Sa pêche est donc légalement règlementée : il est interdit de pêcher un hippocampe sauvage de moins de 10cm de long.
Des associations luttent localement dans plusieurs pays du monde afin de sensibiliser les populations sur l’hippocampe pour éviter son extinction (Cambodge, Thaïlande…). En France, plusieurs associations luttent pour la conversation et l’observation des hippocampes. Des journées d’observation sous-marines sont organisées pour recenser les hippocampes dans le bassin d’Arcachon grâce au réseau des Sentinelles de la Mer. Vous pouvez bien entendu plonger pour aller les observer. Les lieux connus en France pour y voir des hippocampes sont le bassin d’Arcachon et l’étang de Thau.
Vous pouvez aussi participer au recensement des hippocampes et syngnathes grâce à une plateforme en ligne créée par l’association Peau Bleue. Voici la démarche à suivre : http://www.peaubleue.org/Hippo-ATLAS-Contribuer-a-l-Hippo-ATLAS,65,2,fr,f1.html
Vous connaissez maintenant mieux ce petit animal atypique tant par son histoire et son anatomie que par son mode de vie et les menaces qui le guette. Vous aurez aussi certainement un autre regard désormais lorsque vous verrez un hippocampe dans un aquarium, là où n’est pas sa place. Nous terminerons cet article en vous laissant méditer sur cette citation de Sénèque : « La véritable sagesse consiste à ne pas s’écarter de la nature, mais à mouler notre conduite sur ses lois et son modèle ».
Sources
http://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/hippocampe/184870
https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/5-mysteres-de-l-hippocampe_112779
https://animalaxy.fr/decouvrez-5-particularites-de-lhippocampe-animal-tres-mysterieux/
http://www.planetehippocampe.org/tout_sur_les_hippocampes_page_1_191.htm
http://www.manon.org/polmar/hippocampe2.htm
https://www.lefrontal.com/symbolique-de-l-hippocampe-ou-du-cheval-de-mer
http://www.plongee-libre.fr/pdf/groupe-etude-hippocampe-2009.pdf
http://doris.ffessm.fr/Especes/Hippocampus-guttulatus-Hippocampe-mouchete-302
http://www.saveourseahorses.org/the-seahorse-dilemma.php
https://www.cites.org/sites/default/files/eng/notif/2005/014.pdf
http://www.oceanobs.fr/Les-sentinelles-de-la-mer
https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/l-hippocampe-sous-protection_4749
Crédit photos :
http://www.yodeco.eu/103-large/poseidon-sur-son-char-.jpg
http://www.oceanobs.fr/IMG/pdf/rapport_ocean_obs_-_opbm_2014-2016_synthese.pdf